10 février 2008

Bizarre

Je reçois rarement des briefings de MM , mais là on m’avait demandé un papier sur la curiosité et une semaine plus tard on me demande de me taire. Serais-je trop curieux ? Serait-il trop curieux de demander à un curieux de parler de curiosité. ? Encore faudrait-il savoir de quelle curiosité on voulait me faire parler. Un seul mot en français couvre quatre sens différents en flamand: nieuwsgierigheid (l’envie de savoir, de découvrir du neuf); leergierigheid (l’envie d’apprendre); bezienswaardigheid (quelque chose ou quelqu’un qui vaut le détour, qui mérite une visite) et enfin il y a “de rariteit”, l’objet curieux qu’on recherche, les curiosités à découvrir. Quand on vous dit que le Flamand est plus riche que le francophone, la sémantique ne peut que le confirmer. Comment un francophone peut-il rassembler autant de sens en un seul mot ? Comment ne réalise-t-il pas que cette limitation du langage ne peut-être que source de malentendus ?

La curiosité malsaine, par exemple, est-elle le fait d’un objet rare et infectieux ou n’est-ce qu’une envie de savoir les petits secrets du voisin pour les trahir ? La curiosité malsaine est-elle la découverte en Allemagne d’un petit film pour une chaîne de magasins de télécoms qui va inspirer d’autres créatifs pour faire bien mieux et beaucoup plus fin pour Proximus ? Tellement mieux et tellement fin que la curiosité publicitaire allemande (ce petit film) a donné lieu à une curiosité publicitaire belge (un autre film, mais grand, cette fois)) dont les jurys internationaux ont estimé qu’elle valait le détour. Curieux, non ? Et tout cela, je le tiens d’un publicitaire curieux, et sans doute un peu jaloux, qui me l’a rapporté. Comme je suis curieux de tout, je l’ai écouté. C’est lui qui a découvert la curiosité allemande. Est-ce une curiosité malsaine de sa part ?

On s’en fout en fait. Parce que l’agence qui a produit cette belle curiosité reconnue internationalement a décidé de ne plus vouloir participer dans un seul concours publicitaire.
Bravo Paul, tu as eu ton dernier Award au Merit Awards. Et cela, c’est vraiment curieux.
Comment une agence créative qui a profité des awards pour bâtir sa réputation et attirer le talent peut-elle y renoncer ? Elle n’a peut-être plus besoin de talent, elle en a assez. Et le talent, ça compte pour rien. Ce qui compte c’est sa sueur: inspirer, transpirer, inspirer, transpirer...

Le créatif de talent étant attiré par les prix que gagne une agence comme une mouche est attirée par la merde, les prix ont eu leur effet, maintenant cette agence devra le garder (Ne détournez pas ce que je viens d’écrire, je dis bien que ce sont les mouches qui sont attirées par la merde, pas les créatifs). Et pour garder ce talent et continuer à le faire suer, à mon avis, ce ne sera pas une affaire de prix mais une affaire de culture d’entreprise. Une culture qui vient du sentiment de participer à quelque chose d’unique. Et ce qu’ils viennent de faire, aussi curieux que cela puisse paraître, c’est unique. Ils ont tué une vache sacrée.

C’est comme dans les détergents. Les fabricants sont restés des années engoncés dans de vieilles habitudes. Leurs vaches sacrées consistaient à dire qu’il n’y avait pas d’avenir pour un détergent qui ne serait pas soit en poudre soit liquide. Encore moins s’il prétend faire autre chose qu’enlever les salissures des vêtements. Et enfin il était souhaitable que le détergent ait une odeur une peu chimique ou clinique ou fraîche mais rien d’autre. Last but not least, le détergent devait être puissant. Ces règles ont sévi pendant près de trente ans dans le secteur. C’étaient leurs vaches sacrées. Heureusement, ils les tuent petit à petit. Le détergent, aujourd’hui, assouplit, parfume et enlève les odeurs. Tide a lancé aux USA des détergents avec des huiles relaxantes, Henkel se lance dans l’aromathérapie. Il faut savoir tuer les vaches sacrées et applaudir ceux qui s’y risquent. Je dis donc bravo.

Rien que pour cela je trouve qu’ils auraient encore mérité le prix d’agence la plus créative. Pourquoi se faire juger par ses pairs (et impairs), curieux et jaloux alors que les prix, c’est dans la rue et sur la toile qu’il faut les gagner en suscitant de l’adhésion du public à la marque au lieu de faire un peu de tout et beaucoup de n’importe quoi sous prétexte que cela fasse du bruit.

Faire du bruit. C’est la dernière curiosité du secteur: le buzz. C’est curieux, le mot rappelle le bruit des mouches. Et pourtant, il n’y a rien de neuf là-dedans. Le bouche-à-oreille a toujours été le meilleur media. Mais cela demande plus que de l’essaimage comme le mot buzz le suggère. J’ai retrouvé des études d’il y a une vingtaine d’année où le consommateur disait déjà qu’il ne croyait pas trop à la pub mais plutôt à l’avis d’un ami, d’un proche. Rien de neuf sous le soleil. L’avis d’un ami, c’est plus que du bruit.

A l’époque, il est vrai, il n’y avait pas de media personnel. Il y avait les media de masse et le marketing direct. Aujourd’hui, il y a ce PC et le GSM face auxquels on est seul, connecté à ce qui nous plaît dans le monde, c’est le media personnel. Mais ce qui plaît dans le monde, c’est dans la rue qu’on a la preuve que c’est vraiment plaisant. Pourquoi est-ce que RTL info marche si fort ? Parce que c’est RTL et qu’on en parle sur RTL. Bien sûr, l’iPhone a été lancé sans pub. Mais sans l’écho qu’il a reçu dans les media de masse, il n’aurait pas le succès qu’il a. Et sans les campagnes qui ont fait la renommée de Apple et de l’iPod, non plus. On doit tuer les vaches sacrées mais ne pas oublier que les individus ont besoin de repères. Les blogueurs se réunissent en live et c’est là que l’esprit de communauté s’installe.

Il me reste une autre curiosité pour terminer : ni le monde des agences (ACC), ni le monde des annonceurs (UBA) ne s’émeut de la possibilité d’une interdiction de la pub sur la RTBF. Pourquoi ? Parce que leurs responsables d’association ne lisent que la presse flamande, sans doute. Je ne vois pas d’autre raison. C’est curieux pour des associations belges

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