28 mai 2007

Mieux vaut naître vache que pauvre.

J’ai envie de vous parler d’Adam Smith. Ce n’est évidemment ni à un publicitaire, ni à un fabricant d’armes que je pense mais bien au très vieux fondateur de la pensée économique libérale et chantre de la division du travail.

En observant la fabrication des épingles, il avait découvert 18 opérations séquentielles qui permettaient à un artisan d’en fabriquer 20 par jour
à lui seul. En divisant les 18 opérations entre 10 personnes il parvint à en fabriquer 4800. La preuve était faite, la productivité passait par la division du travail. Henri Ford s’en inspirera pour son travail à la chaîne dont le but ultime n’était pas tant la fabrication de voiture que la création de consommateurs.

Charlie Chaplin démontrera non sans humour dans son film « Modern Times » que ces pauvres ouvriers condamnés à répéter la même tâche tous les jours devenaient de parfaits abrutis. Ils devenaient juste bons à reproduire l’acte demandé au boulot et à se reproduire à la maison. Il ne m’appartient pas de vous dénombrer les abrutis qui peuplent notre planète depuis lors. Ce qui m’intéresse c’est le sursaut de productivité que permet la division du travail, une division qui ne s’applique pas qu’au travail à la chaîne. Heureusement, nous serions tous des abrutis au volant d’une Ford T, noire.

Les fruits de la division du travail se trouvent tous les soirs sur votre table. Quand vous passez à table, à la maison, vous ne le devez pas à la générosité de Delhaize, ni à celle du cultivateur, du boucher, du brasseur ou du boulanger. Tous ces biens sont arrivés sur votre assiette parce que ses gens ont chacun très égoïstement veillé à leurs propres intérêts. « C’est en travaillant à son intérêt personnel que chacun finit par travailler de manière bien plus efficace pour l’intérêt de la société que s’il avait réellement pour but d’y travailler. » C’est ce que nous dit Adam Smith. Il évoque à cet effet le concept d’une main invisible qui veille à ce que tous les efforts individuels participent à un équilibre optimal pour l’ensemble des acteurs de notre société.

Léon Walras, un autre économiste, précisera cette pensée : chaque acteur dans un marché recherche à maximiser ses intérêts. Et, en situation de concurrence parfaite, cela conduit à un équilibre optimal.
Hélas, la concurrence n’est pas parfaite et rend cet équilibre inaccessible. Il semble en effet, qu’il n’y ait pas d’équilibre qui satisfasse à la fois distributeur et consommateur, salarié et employeur, épargnant et prêteur, travail et capital. L’ambition d’arriver à cet équilibre mène le monde, malgré tout. Mais où ? Les maximiseurs d’intérêts particuliers n’ont pas empêché une vache européenne de recevoir 2 $ / jour de subsides alors que la banque mondiale définissait le seuil de pauvreté à un niveau de revenu équivalent. 2 $ chacun, y a-t-il un lien ? Je ne sais pas, mais il vaut mieux naître vache en Europe que pauvre dans le tiers-monde. Équilibre où es-tu ?

Nos métiers ne semblent pas rassembler les champions de l’équilibre non plus. Le consommateur dicte sa loi et la dictera de plus en plus. C’est pour cela que j’encourage les entreprises à développer une ‘valeur d’usage supérieure’ pour tous leurs stakeholders. Cette valeur unique qui vous rend plus utile que vos concurrents dans la vie quotidienne de vos stakeholders.

Vous pourriez, par exemple, vous inspirer de ce qui se fait dans le monde de la technologie où la plupart des innovations viennent des utilisateurs. La ‘user generated innovation’ est une tendance de fond selon la Stanford University. L’approche est très profitable tant que l’utilisateur en question a un intérêt personnel et important à ce que cette innovation se réalise. On en revient à Adam Smith. L’intérêt particulier prime sur la générosité.

Le consommateur lambda a tout pour être heureux. Quel intérêt aurait-il à vous aider à innover ? Aucun sauf si vous comprenez que ce consommateur gâté et omnipotent développe ses propres stratégies pour maximiser son bien-être. Cela a commencé quand il mettait une cravate dans l’espoir d’obtenir un crédit du banquier. Mais cela va bien plus loin. Aujourd’hui, des femmes actives se retrouvent régulièrement sur un blog (ladiesroom.skynetblogs.be) pour échanger des points de vue sur tous les produits, services, règlements et attitudes qui ne tiennent pas compte de la vie que mènent ces femmes. D’autres consommateurs se fédèrent pour acheter moins cher. D’autres se réunissent pour banquer sans banquier. Et je ne parle pas des start-up qui se demandent bien pourquoi elles auraient besoin d’une agence de pub. Il trouverait peut-être intéressant que vous l’aidiez dans le développement de ces stratégies.

Nos clients et les clients de nos clients ont des stratégies qui visent à maximiser leur bien-être. Et nous, nous nous contentons bien souvent de développer des stratégies qui restent « market-driven », en produisant un peu plus ou un peu mieux que le concurrent. Ce qui conduit à une surenchère qui érode les marges. La survie n’est pas fonction du concurrent. Elle est fonction de disruption avec la concurrence. Elle dépend de votre capacité à mener un marché : to drive a market.

Et cette capacité passe définitivement par la stratégie de vos clients. Alors, je vous invite à diviser le travail. Pourquoi ne pas confier à nos clients une partie de la tâche qui consiste à les satisfaire au-delà de toutes attentes ? C’est vache ? Pas forcément. Souvenez-vous du titre. Souvenez-vous du flatpacking ou de l’open-stock d’Ikea, c’était cela aussi : ils confient le montage et le transport des meubles aux clients. Ikea peut se concentrer sur le design plutôt que le montage et le transport, le client, quant à lui, a plus de choix et un prix plus attractif. Du win/win sans escalade de coûts. CQFD.
Patrick Willemarck pour Media Marketing

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