01 mai 2006

L’avenir est en dehors de votre boîte.



La convention aujourd'hui revient à penser hors du cadre. "Think out of the box", dit-on partout. Et si la boîte était le problème ? Lors d'une foire agricole, un boeuf est offert à celui qui en estime le poids, à quelques grammes près. Des milliers de visiteurs jouent, personne ne gagne. Quelqu'un récolte tous les billets estimatifs des parieurs. Leur moyenne correspond au poids exact de la bête, à quelques grammes près. Un autre exemple ? Au jeu télévisé, « Qui veut gagner des millions », Le joker préféré est le coup de fil à un ami, un expert. La réponse de cet expert s'avère exacte dans une soixantaine de cas sur cent tandis que l'avis du public se révèle exact dans plus de nonante pourcent des cas.

La foule bat l'expert.
Milgram a testé l'influence d'un groupe sur la foule. Il place une personne au coin d'une rue, figé le nez en l'air. Les passants intrigués sont rares. Il place ensuite un groupe de 5 personnes. Le public attentif augmente de 20%. Enfin, il en place 15. 45% des passants s'arrêtent. Instinct grégaire ? Pas du tout. 15 personnes le nez en l'air signalent qu'il doit y avoir quelque chose à voir. Nous faisons confiance à la foule. Un peu simpliste me direz-vous ? C'est pourtant le principe qui anime Google. Pour trouver ce que vous cherchez, le moteur cherche ce que la foule a cherché et trouvé de similaire, avant vous. Cette foule ne dispense pas d'être intelligent.

Google ou Milgram pourraient réconforter ceux qui se contentent de prendre la décision qui semble être la bonne, celle que beaucoup d'autres ont déjà prise. C'est rassurant. C'est ce qui fait le succès des cascades d'informations. La cascade démarre avec un trend setter et la masse suit.
Rien de bien neuf dans tout cela. Sauf qu'en matière de décision stratégique ou politique, le trend setter dont on suivra l'avis est l'expert et qu' il n'y a pas d'expert en cette matière. Il y a trop d'inconnues. Réparer, skier, piloter, gérer, écrire, dessiner, filmer sont autant d'activités où le travail et le talent se suffisent et où la moyenne fait médiocre figure. Quand il s'agit de prévoir et de décider pour l'avenir encore largement inconnu, la travail et le talent ne suffisent plus.

Le premier patron d'IBM était un expert. Il prévoyait qu'il y aurait place pour 5 ordinateurs dans le monde, tout au plus. Le phénomène des cascades est valable tant que la décision n'est pas vitale. Quand elle l'est, l'excellence exige de consulter la foule dont la moyenne s'approche de l'excellence.
Mais méfiez-vous, une foule d'experts, par exemple, se laisse biaisé par ses experts et leur envie de se montrer plus expert que l'autre. Ils s'éloignent ainsi de la vérité (Notre industrie trop cloisonnée en centres d'expertise ferait bien de méditer cela).

La foule a raison quand elle est composée de gens indépendants. Des gens qui jouissent de différentes sources d'information pour forger leurs opinions, ce qui fait que leurs biais s'annulent au lieu de se renforcer. Ce genre de foule trouve toujours la bonne réponse parmi plusieurs options possibles. Il ne reste donc qu'à les formuler. Personne n'est dispensé de vision. C'est ce que Linux illustre à merveille.
En 1991, Linus Torvalds crée sa propre version du système d'exploitation d'ordinateur Unix. Il rend son code source public et il joint une note : « if your efforts are freely distributable, I'd like to hear from you, so I can add them to the system. » Les premières réponses identifiaient des moyens d'éviter des bugs et amélioraient le code. Depuis, des milliers de programmeurs contribuent gratuitement à rendre Linux de plus en plus fiable et performant. Linux n'est pas un exemple d'entreprise. Linux n'appartient à personne et appartient à tout le monde. Il n'y a pas de patron, pas d'organigramme.

L'intérêt de Linux est à décoder en termes de capacité d'innovation. Une capacité qui se démultiplie quand elle s'ouvre à l'inconnu. Quand elle sort de la boîte. Les programmeurs améliorent ce qu'ils sentent pouvoir améliorer dans Linux. Hasardeux comme processus ? Bien sûr. En attendant Linux est le seul challenger de Windows. Et il est en ligne avec la nouvelle culture de consommation qu'Internet instaure avec ses « peer to peer ».

Tout cela est détaillé dans le livre « The wisdom of crowds » de James Surowiecki dont je parle dans un article précédent, "coeur tendre et esprit dur". Il confirme que la vérité est bel et bien en dehors de la boîte et que pour innover, la foule est notre meilleur allié.


©Patrick Willemarck, le 1er mai 2006 pour Media Marketing

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