09 décembre 2005

L'étonnement


On ne s’étonne plus soi-même et l’on ne cherche même plus à s’étonner. On est content de ce qu’on fait, on se repose sur ses lauriers. Etre curieux et étonnant me semble indispensable pour l’avenir d’une entreprise. Le patron de portail qui avait renvoyé les inventeurs de Google en prétendant que ses utilisateurs n’en avaient rien à battre des moteurs de recherche avait perdu sa faculté d’étonnement. Pour lui, fournir 80% de ce que ses concurrents fournissaient était plus qu’assez. Le patron de Sun Microsystems qui a offert aux deux-mêmes personnes un chèque de 100.000 USD pour créer Google Inc était plus fûté. Il s’est laissé étonner.

Sans cet étonnement comment espérez-vous innover?
C’est ce qui est arrivé à Gap. Pourtant s’il y a bien un business où l’innovation importe, c’est bien la mode et le prêt-à-porter.
Depuis cinq ans, les ventes de Gap ne cessent de chuter. Gap, la marque qui a promu le "casual wear". Gap voulait habiller le monde en uniforme. Même jean’s, même T-shirt et même veste pour tout le monde de 7 à 77 ans. Comme le disait leur slogan: "Gap for every generation". Et ça a marché. La marque a profondément marqué les années 90. Les stars s’affichaient en Gap.

Dopé par la bourse, Gap a ouvert de plus en plus de magasins. La chaîne en compte plus de 3000 à travers le monde aujourd’hui. La recette fonctionnait bien. "If it works don’t fix it," a-t-on l’habitude de dire. Je crois que c’est devenu une mauvaise habitude.

En 2000 les ventes chutent et les clients commencent à bouder la marque. Le vendeur d’uniforme un jour sexy est devenu monotone. Le patron décide de rajeunir l’image de marque. Pas de chance. Les baby-boomers ne s’y retrouvent plus. Or, ils ont grandi avec la marque. Aux Etats-Unis en tout cas. Quant aux jeunes comme le rappelle Dorane Vignando, ils préfèrent Diesel, H&M, Zara. En 2002, le patron démissionne.
Son successeur vient de chez Disney. Et son premier acte, c’est de renouer avec ce qui a fait le succès de Gap: le casual wear qui séduit les stars. Jessica Parker, l’héroïne de "sex and the city" devient l’égérie de la marque et de sa pub. Et il engage de jeunes designers talentueux qui vont ré-étonner le public. Le groupe est encore fragile, mais il quitte le rouge et entend bien revenir sous les projecteurs de la "mode".

A titre anecdotique, je crois que Procter&Gamble a également contribué au succès du "Casual Wear" aux USA. La boîte de Cincinnati est certes très créative dans ses créations et inventions de nouveaux produits. Mais, pour le reste, elle est assez rigide. Chez P&G, à l’heure ou le "Friday Casual" devenait de plus en plus coutumier, la boîte de Cincinnati résistait. Le Friday casual est l’institutionnalisation du port de vêtements décontractés le vendredi au bureau. L’initiative de cette promotion reviendrait à la boîte de relations publiques qui travaillait pour Levi’s et plus particulièrement pour leur ligne de vêtements "Docker’s". Un véritable succès. Sauf à Cincinnati. Tous les matins et tous les soirs, ce sont des masses de cols blancs amidonnés et cravatés qui entraient et sortaient des bâtiments de P&G aux quatre coins du monde.

Jusqu’au jour, raconte l’histoire, où un jeune cadre a rédigé une note à l’attention de la direction en calculant ce que P&G vendrait comme quantité de poudres supplémentaires si elle adoptait le "Friday Casual". Ces vêtements de coton, ces Kahkis de Gap, Docker’s et autres Jeans, ne vont pas au nettoyage à sec comme les costumes. Le chiffre a impressionné le patron. Etonné. Il le trouvait néanmoins trop petit. Il décréta par conséquent que ce serait "Friday casual , every day" chez Procter.

L’histoire est-elle vraie? Je ne le sais pas. Ce que je sais, c’est que le casual wear est autorisé tous les jours. Et, malgré les apparences, je crois que si P&G arrive à innover autant c’est parce que cette boîte cultive l’étonnement.
L’étonnement pour Platon ou Aristote est une passion fondamentale pour accéder au savoir. C’est l’étonnement qui conduit à renoncer aux idées et opinions préfabriquées, aux réponses toutes faites, aux stéréotypes.
Et cette passion ne s’oppose pas à la raison. Au contraire. Elle existe chez P&G, aussi rationnelle que l’entreprise puisse paraître. Mon anecdote le prouve. Et si elle n’est pas vraie, tous ceux qui on travaillé pour P&G vous diront qu’elle est vraisemblable. C’est ce qui compte.

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