08 avril 2005

Le sanatisme? "O Word save us."

Le sanatisme ? Un de ces maux à la mode.

Peut-être, mais le sujet est sérieux. Il s’agit tout compte fait de parler d’une tendance fondamentale où le fanatisme devient une croisade de santé. Le sanatisme, c’est l'obsession fanatique de notre société pour l’aseptique et le sain à tout prix. Je ne pouvais pas aborder ce sujet seul. Je ne suis ni psy, ni socio, ni zoo , ni ethno ni autre état, titre ou profession en « logue ». Faute de quoi, j’ai invité des journalistes comme Sarraute ou Reynaert, des philosophes comme Platon ou Hésiode, des romanciers et professeurs comme David Lodge ou le professeur Choron, des poètes, des fumistes et un grand fumeur comme Churchill. Vous trouverez-ci dessous ce qu’ils pensent du sujet qui nous préoccupe et un peu de ce qu'il m’inspire.

« Les hommes qui souffrent vieillissent promptement » dit Hésiode. Vaincre la souffrance, se battre pour la santé est la garantie de vivre vieux. De gagner ou garder du temps. « Le temps, c’est comme le pain disit le père du poète, il faut toujours en garder un peu pour demain ».

Le professeur Chorron trouve cela bien triste : « je trouve que c’est terrible d’allonger la vie en ne prolongeant que la vieillesse, » dit-il. Mais c’est ainsi. Prolonger la viellesse c’est retarder la mort et tout est parti de là, à en croire David Lodge.

« L’essor du fanatisme pour la santé et le bien-être est lié à l’histoire de l’évolution. L’homo sapiens est le seul être vivant à découvrir qu’il était mortel.
Quelle fut sa réaction ? Il échaffaude des fables pour expliquer comment il s’est trouvé dans ce pétrin.et comment il pourrait en sortir. Il invente la religion, il crée des costumes funéraires, il échaffaude des contes au sujet de l’autre monde et de l’immortatlité de l’âme. »

Et aujourdh’hui cet homo sapiens se trouve un pleu englué dans ce que nous appelons le sanatisme. Tous les homme ne sont pas touchés. L’homme marié moyen et trentenaire semble y échapper. « Le seul sport assidu qu’il pratique régulièrement est le musclage du doigt qui sert à ouvrir les canettes en regardant le foot à la télé », rapporte François Reynaert.

Cela vous fait sourire ? Vous êtes comme Winston Churchill.
« Ces gens là vivront longtemps , dirait-il. Je me souviens , j’avais 81 ans quand un journaliste m’a demandé ce que je faisais pour être aussi vif à mon âge. « No sport » , lui ai-je répondu ». Churchill était un des pionniers du sport passif.

Ces sportifs passifs et anti-sanatiques sont ils heureux pour autant ? Rien n’est moins sûr. « Une étude américaine suggère que les violons d’Ingres ont deux fois et demi plus de chances de provoquer un état de plaisir intense que la télévisison; les jeux et les sports à peu près trois fois plus. Ces jeunes passent pourtant quatre fois plus de temps à regarder la télévision qu’à se livrer à leur activité favorite. Pourquoi diable passer quatre fois plus de temps à faire quelque chose qui a deux fois moins de chances de donner du plaisir ? » se demande un professur aux USA.

Bonne question. L’ éloge de la paresse sportive n’en déplait pas moins à la vieille journaliste qu’est Claude Sarraute.

« Et comment, embraye-t-elle. L'ancienne beauty victim que je suis a passé sa vie à se priver à table et à se martyriser en salle. Le gras, le sucre, toujours trop. La gym, la marche , jamais assez. Je n'ai abandonné que dans ma 77éme année. Ras-le-bol! J'étais fine et mince. je me retrouve boulotte et tassée, mais bon, tant pis. Ou plutôt tant mieux. Me voilà enfin libérée, sous couvert de mon grand âge, de cette surveillance de chaque instant, de cette soumission au diktat de la mode”.

Bref, le sanatisme génère de la résistance. Tant mieux. On pourrait parodier Stefan Zweig en disant que “ seuls peuvent s’élever contre les fanatiques du “ sanatisme” d’autres fanatiques. ” Ne laissons pas le sanatisme nous empoisonner. Et tant mieux si ce sont les vieux qui montrent l’exemple, ils sont les plus nombreux.
Le vieux Platon s’en réjouit parce que “la vieillesse est un état de repos et de liberté, quant aux sens. Lorsque la violence des passions s’est relâchée et que leur feu s’est amorti, on se voit delivré d’une foule de tyrans forcenés”.

Et les diktat de la mode ne sont pas les moindres tyrans. Quitte à vivre plus longtemps en prolongeant la vieillesse, autant le faire en beauté et en étant dans le coup, non?

“Et qui sait, reprend Claude Sarraute, tout cela nous mènera peut-être dans le “meilleur des mondes” d’Aldous Huxley, un monde peuplé de splendides créatures mâles et femelles, conçues in vitro en fonction de leur patrimoine génétique, couvées en bouteille et élevées en nursery. Un monde où s’ébattent des êtres conditionnés dès le berceau à se conformer à ce que l’on attend d’eux. Un monde où l’on ne croise que des enfants, des ados et des jeunes adultes qu’on s’empresse de parquer dans des reserves, à l’abri des regards, dès que se manifestent les premières atteintes de l’âge. Oui, je sais , il ne s’agit que d’un roman de science-fiction. Et quel roman! Pour moi, on n’a jamais rien fait de mieux dans le genre. Au point qu’au rythme où elle se développe la science, on est en droit de se demander si elle n’est pas en passe de rejoindre la fiction.”

“En attendant, la réalité c’est qua la vie est mortelle rappelle le Psychologue P Traube. Et à force de nous la rendre aseptique et saine à tout prix, on va finir par nous la rendre invivable, mortellement ennuyeuse”. Vous êtes prévenu. Le Sanatisme fait peser sur nous une menace mortelle. Cela peut vous sembler con. Ce n’est pas grave. “Les cons, c’est comme le vert au milieu des roses, cela repose,” chantait Reggiani.

Et après tout ce ne sont que des mots sur nos maux. “O Word, Save us” écrivait Joyce en parodiant le non moins célèbre “O lord Save us”.
©Patrick Willemarck avril 2005 pour BLISTER

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