14 mai 2010

R.O.I. et social media ,c’est le Return On Investment ou le Risk Of Inertia ?

 

Le ROI est un mot magique en entreprise. Avant d’investir la moindre somme dans un projet, il faut démontrer ce que cela rapportera (return). Pour cela, on construit des business case, des cas qui illustrent, avec ou sans l’aide d’un consultant, ce que cela peut rapporter. Je pense qu’il est opportun de mesurer le risque de l’inaction.

 

La plus grande barrière à l’introduction du dialogue et du web2.0 dans l’entreprise c’est le management. Chez Cisco, 25% des managers n’ont pas réussi à s’adapter à cette nouvelle culture et John Chambers a du s’en séparer, confesse Jérôme Coignard1. Les patrons et les cadres ont peur de perdre de leur pouvoir et de leur contrôle. Ils pensent que le temps joue en leur faveur. Aujourd’hui 70 à 80% des salariés emploient l’e-mail comme outil, de travail et 50% seulement emploient un réseau social. Il faudra encore 10 ou 15 ans pour que l’usage se généralise. Dans 10 ou 15 ans, ils seront à la pension. Peut-on attendre aussi longtemps ? Non, parce que la crise économique que nous traversons en ce début de siècle cache une crise bien plus grave : la crise des entreprises.

 

L’entreprise est en crise depuis longtemps. Je prendrai pour témoin, trois livres de management primés. Le livre de Jim Collins, Good to Great 2 ,celui de Chris Zook3, Profit from the Core et  Creative destruction4 de Richard Foster et Sarah Kaplan.

Le premier a analysé 1435 entreprises durant 10 ans. Seules 9% d’entre elles ont performé mieux que la moyenne de leur industrie pendant ces dix années. Ce qui signifie que 91% n’ont pas performé. C’est beaucoup. Il est vrai que celles qui performaient avaient des résultats qui étaient jusqu’à 7 fois supérieurs. Il y a les champions et puis les losers. Dans le second livre, Chris Zook a observé 1864 entreprises pendant 10 ans et seules 13% d’entre elles sont parvenues à générer une croissance profitable  pendant 10 ans. Pour survivre une entreprise doit croître. Chris Zook nous révèle à travers diverses industries que 90 % des entreprises mondiales n’ont pas pu soutenir une croissance profitable durant la décade où il les a observées.  Tout cela à une époque où tous les livres de management encourageaient les entreprises  à s’inventer de nouvelles règles parce que ce n’était pas avec celles du passé qu’on arriverait à se créer un avenir. Tout cela date d’une époque où le net grandissait et son usage par le public aussi. Ce qui inquiétait le management des entreprises.

 

Les 10% d’entreprises qui ont réussi pendant cette décade sont celles qui se sont absolument concentrées sur le cœur de leur métier. Et si jamais le cœur du métier n’assure pas de croissance suffisante (une industrie en déclin comme les cristalleries du Val Saint Lambert, par exemple) Chris Zook les encourage à trouver des sources de croissances dans des activités adjacentes en restant fidèles à leurs racines.

Dans le troisième livre, Richard Foster et Sarah Kaplan montrent que sur 1008 entreprises observées sur 36 ans, il n’y en a que 16% qui ont duré plus de 30 ans.

Si l’histoire prescrit l’avenir, on doit s’attendre à pire. Il y a un index qui a été crée aux USA en 1920, le Standard and Poor's index des 90 majeures entreprises américaines. Les entreprises qui figuraient sur la liste originale y sont restées  65 ans en moyenne. En 98, la durée anticipée des 500 plus grosses entreprises sur cet index était de 10 ans. Si la cadence se poursuit, dans les 25 ans qui viennent, 1/3 des plus grosses entreprises auront disparu. Et pourtant il y en a qui réussissent à vivre plus longtemps. Ce sont les leaders. Non pas dans le sens du n°1 mais dans le sens de celui qui montre la voie et s’efforce de mener le marché plutôt que de le suivre.

 

Ces 3 livres sont majeurs et trop souvent ignorés malgré leur immense succès.  Ils témoignent d’un blocage culturel dans l’entreprise qui la rend incapable de changer même quand elle fait face aux signaux menaçants les plus clairs. Ce blocage les empêche de répondre aux messages adressés par le marché c’est-à-dire par le public.

Et c’est ce qui se passe aujourd’hui encore avec le média social.

 

L’entreprise souffre d’une sorte de fossilisation  de son organisation, de son processus de décision, de son processus de contrôle et des ses modèles mentaux. Il en résulte, à moins que c’en soit une conséquence, que l’entreprise étouffe sa capacité d’écoute du marché et son potentiel créatif et innovateur.  On se focalise sur les recettes qui assuraient un Return On Investment important dans le passé et on oublie que ce fameux ROI cher aux actionnaires c’est aussi le Risk Of Inertia. Cette fossilisation, cette inertie signale, nous disent Foster et Kaplan, l’inexorable déclin d’une entreprise vers des performances inférieures.

 

Ceci nous concerne tous. Les entreprises ont toutes un mal fou à rencontrer les besoins du marché et les attentes de leurs clients. Les entreprises sont malades. Et contrairement à l’être humain qui tombe malade, il ne faut pas lui souhaiter un prompt rétablissement parce que le rétablissement implique une forme de retour au passé. Le retour au passé est  suicidaire. Nous ne pouvons pas continuer à accepter que, selon l’industrie, de 40 à 90% des nouveaux produits ou services échouent. Nous ne pouvons pas supporter plus longtemps le fait que 47% des produits pionniers de grande consommation (ceux que vous achetez en grande surface et qui ne ressemblent à rien de ce que vous avez connu) ratent.

 

Au nom de l’innovation, seule garante d’une croissance sans laquelle une entreprise ne peut survivre, nous coulons les entreprises et pénalisons ses chances de durer. La meilleure preuve de cette fossilisation c’est l’ensemble de freins que s’imposent les entreprises par rapport aux media sociaux. Les risques sont faibles, les investissements sont minimes et pourtant on hésite. Comme s’il était préférable de continuer à créer plus de déchets que de succès. Or, il y a là, des centaines de millions de gens qui parlent d’eux et de leur consommation au rythme de leur vie quotidienne et dont 55% disent aux entreprises : « écoutez-nous sur les forums »5.

 

Quand nous disposons d’une telle quantité d’information, de transparence, d’ouverture et de bon vouloir,  il est fou de vouloir appréhender la demande d’un marché  au rythme d’enquêteurs intrusifs envoyés par des cadres d’entreprises. Les enquêtés acceptent l’intrusion et racontent ce qu’ils croient devoir raconter pourvu qu’on vienne encore les solliciter et que, petit à petit, ils se constituent une source de revenus alternatifs pour le ménage. Le cadre peut  couvrir sa décision (il a une étude), l’enquêté peut s’enrichir mais rien ne garantit que l’offre testée rencontrera la vraie demande du marché. Le conseil d’administration, quant à lui,  ne prend que très rarement la peine de considérer une étude de marché. Elles arrivent rarement jusque là. En matière de fossilisation.

Jim Collins a rassemblé beaucoup de matériel d’études sur les grandes entreprises et leur évolution vers le déclin. Il voit cinq étapes :

       -     l’ivresse du succès initial, quand on se lance,

-       la poursuite indisciplinée d’une croissance plus rapide, d’un succès démultiplié,

-       l’aveuglement face au danger et son déni

-       la course en tout sens pour se sauver

-       la capitulation

 

5 stades que je baptiserai Ivresse, Inconscience, Insolence, Ignorance et Impasse.

A chaque étape, il y a moyen de se reprendre. Il n’y a pas de grand homme ni de grande institution ni de grande entreprise qui ne puisse se tromper et traverser une crise. Toutes peuvent s’en sortir. Comment ? En gardant toujours cette humilité qui consiste à comprendre que le rôle d’un business s’est de se faire et de garder un client. Et c’est pour cela aussi que les possibilités de dialogues qui sont offertes aux entreprises, sont une chance à ne pas perdre.  

 

Posted via web from Dialog or Death

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I'm the founder of Dialog Solutions.
On this blog I want to share views and opinions about business and more specifically about Brands, Consumers, Marketing, market research, innovation, loyalty, etc., all those business aspects that are deeply affected by social media.
Every company shouldn't be present on every social media network. but every company is becoming porous to the outside world and has therefore to become both social and media.

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