03 janvier 2009

Rencontre avec un gourou du luxe.

Jean-Jacques Picart était l’invité de la BMMA lors de sa journée consacrée au luxe. Un luxe qui selon le dictionnaire consiste à “s’extraire de son ordinaire.” C’est le luxe que je vous offre. Monsieur Picart conseille depuis des années des grands créateurs et des grands groupes, comme LVMH. Il porte sur le métier du luxe un regard fort de plusieurs dizaines d’années d’expérience et d’une curiosité sans précédent. Il se considère comme un vieux “schnoque” mais ses propos sont d’une incroyable et fraîche lucidité. Où en est le monde du luxe et de la mode? Il nous confie que “quand le monde change, la mode change, bien sûr. Et si le monde perd chaque jour un peu plus ses repères, la mode reste encore trop attachée à ses habitudes: la mode continue à ne pas voir que printemps, été, automne, hiver, cela ne veut plus rien dire, elle ne veut pas voir non plus que “cher” et “pas cher” doivent cohabiter dans une collection, que masculin et féminin ont cessé de se conjuguer différemment, que “luxe” s’écrit aussi au pluriel comme “tendances”, que les médias parlent plus des créateurs que des robes qu’ils dessinent, et surtout qu’une robe c’est fait pour rendre une femme plus jolie et pour être vendue.” Il pense que la mode actuelle vit son indigestion et que nous voyons “la fin du porno-chic et d’un univers où les célébrités prenaient le pas sur la créativité.” Mais précise-t-il, “comme après une indigestion, après l’euphorie, après l’orgie, commence à s’installer tout doucement une lassitude: il y a trop de tout partout, les marques de luxe se démocratisent et les marques industrielles se sont “glamourisées.” Trop d’offres tue le choix. Trop de choix tue le désir. Les consommateurs, blasés, commencent à résister, et cherchent ailleurs des produits plus neufs, plus rares; ils cherchent ailleurs des propositions plus originales.” Le moment est propice à la ré-invention. le consommateur est éduqué et ne supporte plus “que les marques leurs fassent prendre des vessies pour des lanternes, et en même temps ils acceptent d’être les victimes consentantes des médias: la même jeune femme s’habille d’un T-shirt pas cher acheté chez Zara, d’un jean basic acheté l’année dernière mais qui lui va encore très bien, d’une ceinture folklorique rapportée d’un marché marocain et portera les escarpins très chers de Christian Louboutin parce qu’elle les a vus aux pieds de Jenifer Lopez aux Oscars de Los Angeles!.” La lassitude des consommateurs, leurs inquiétudes face à la crise, les bouleversement des technologies qui rendent tout instantané et immédiat au bout de nos écrans de GSM sont les trois tendances fondamentales qui forcent cette ré-invention. A la lueur de ces tendances de fond, “il est normal que les mentalités changent, et que la définition même du plaisir, du bonheur change”, confie-t-il encore. Face à ces tendances, il prône la singularité comme seul facteur de croissance durable pour les marques. “Non seulement donner la priorité à l’exception de la marque, mais également autoriser et optimiser celle de chacun de ses clients, en leur donnant le sentiment que le produit qu’on leur propose est particulier, et que la manière de le lui vendre est particulière, parce que la marque considère que chacun de ses clients, grâce à son produit, sentira et montrera aux autres sa singularité, sa particularité, son unicité.” “Il va falloir, précise-t-il, pour toutes les marques, de la plus luxueuse à la plus populaire, ré-inventer les recettes de tous les succès d’aujourd’hui, et cela passera probablement par une interprétation plus moderne des mots-clé de nos métiers - comme talent, créativité, identité, désir, image - et surtout, apprendre à conjuguer en complément des mots plus nouveaux - comme respect, convivialité, différence, intégrité, honnêteté ou qualité -, des mots qui avaient un peu disparu de nos vocabulaires.” Le monde de la mode et du luxe va se scinder en quatre grandes catégories: la mode au meilleur prix des grandes enseignes, la mode des podiums qui continuera à faire rêver pourvu qu’elle se décline en produits plus accessibles, le luxe rare réservé aux élites qui peuvent se le permettre tant ce sera cher et, enfin, la mode individualiste, celle des artisans, des micro-entreprises qui feront du “rien que pour moi.” Et si une fée lui prêtait une baguette magique, voici les quatre voeux qu’il formulerait: il veut “des fabricants rigoureux capables de s’inventer l’équilibre juste et éthique entre un savoir-faire de pointe et une nécessaire délocalisation.” Il rêve “de stylistes rigoureux capables de créer des collections équilibrées entre créativité exacerbée et portabilité séduisante.” Il ambitionne “une presse spécialisée consciente, capable de proposer dans ses pages une harmonie rédactionnelle entre coups de cœur, service et conseils, sans oublier impact photographique.” Enfin, il envisage surtout “des détaillants passionnés, capables de trouver leur place juste entre méga-boutiques à enseigne et grands magasins. Des détaillants qui s’efforceraient de mettre en place des boutiques-appartements, des boutiques-ateliers, ou des boutiques-galeries, dans lesquelles un choix particulier serait apporté à l’originalité de l’architecture intérieure, aux choix des matériaux employés et à leur qualité, au raffinement des services personnalisés à la clientèle.” Il y a dans ces visions quelques belles sources d’inspiration. Et, en ces temps de crises, ce n’est pas du luxe.

Patrick Willemarck, Novembre 2008 pour Media Marketing

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