09 octobre 2007

Oui, la Belgique marche

De la marche blanche à celle de Joe, le peuple belge se mobilise alors que ses représentants politiques semblent prendre un malin plaisir à le diviser. Un philosophe se demandait, dans les pages du Soir, pourquoi les Belges se rassemblaient-ils autour de cercueils ? Il évoquait ceux de Julie et Melissa, d'Ann et Eefje, de Joe, du roi Baudouin, etc. Il n'avait pas de réponse. Moi non plus. Juste un point de vue à partager. Parce que la dernière réunion se fera peut-être à l'enterrement de notre pays. La Belgique reste un état, en mauvais état certes, mais un état, pas une nation. Pays confiné dans des frontières imposées par l'extérieur, son peuple, au gré du temps, s'est forgé la volonté d'en faire un havre de paix et de démocratie. Ce qui ne lui réussit pas trop mal. Je ne vais pas refaire notre histoire, la mienne me suffit. Né de mère Wallonne et de père flamand, quand j'étudiais à Anvers on me traitait de « fransquillon » et de retour en Wallonie on me traita de « flamin ». Je vous épargne les qualificatifs qui accompagnaient ces étiquettes, ils n'étaient pas propres. Je me sens belge sang pour sang, comme le chanterait Johnny. Sale pour sale, chanteront les extrémistes. Avec des gênes aussi variées et des gènes aussi bilingues, on pourrait me soupçonner de voir mon pays autrement. Admettons. Mais je ne dois pas être le seul à constater que les habitudes et attitudes de vie rapprochent plus les Liégeois des Anversois que des Gantois et qu'il en aille de même pour les Gantois et les Namurois par rapport au Liégeois. Ce phénomène observable n'est pas sans rappeler une principauté de Liège qui comptait plus de communes flamandes que wallonnes au XVIè siècle. Dans 12 des 22 bonnes villes de la principauté, de Tongres à Saint Trond, on parlait flamand. Cela date d'avant l'imposition de frontières belgo belges. Aujourd'hui, ces frontières sont là et d'autres se sont érigées pour bien distinguer nos particularismes linguistiques et laisser aux politiques la liberté d'affûter la « langue » comme l'arme la plus redoutable pour maximiser les voix qu'ils récoltent aux élections. Une arme de peu de poids face à une globalisation qui les prive de plus en plus de l'exercice du pouvoir d'influencer le cours des choses. Sacrée globalisation, que de choses laisse-t-on faire en ton nom. Citons en trois : - Des biens de consommations de plus en plus sophistiqués, de moins en moins chers et de plus en plus accessibles. C'est une bonne nouvelle. - De l'exclusion et de la précarité, un autre produit de la globalisation. Un mal auquel accèdent de plus en plus de gens et qui coûte, par contre, de plus en plus cher comme en témoigne la racaille marginalisée qui tue pour s'en emparer. - Un culte absolu de la liberté de circulation des capitaux, des biens, des citoyens et des idées qui gomme les particularismes et crée la convergence en tout sauf sur la scène du pouvoir politique belge. Encore que. Au coeur de cette globalisation, la majorité des Belges jouit encore de ce qui n'est qu'un rêve pour nombre de citoyens de ce monde : une position payée, stable et protégée qui n'exige pas trop d'ardeur au travail et qui dure, parfois encore, toute une vie. Le tout dans un pays indéniablement démocratique et accueillant. Cela ne durera pas, nous le savons. Nous faisons la sourde oreille dans l'espoir de pouvoir jouer les prolongations. Cette situation est bien différente du pays des chantres de la globalisation que sont les Etats-Unis où chacun a dû se construire à la force du poignet, où rien n'est jamais acquis, où se battre pour un rêve, fut-il américain, est devenu une habitude bien ancrée, un « way of life » qui se transmet de génération en génération. Là-bas, tout le monde se bat pour sa propre autonomie quitte à exclure le voisin. En Europe, on compte sur l'autre. On valorise l'interdépendance. Et c'est magnifique. Les Indiens et les Chinois l'avouent, le modèle européen les inspire bien plus que le modèle américain parce qu'ils savent que tout est interdépendant. Les Belges l'ont su et en ont tiré les conclusions adéquates bien avant les autres. Puissent Leterme et consorts s'en souvenir. La Belgique est née précaire, mais s'est épanouie. Pays soumis à de multiples influences par nature, son sol est devenu nourricier d'une culture ouverte à l'altérité, au respect et à l'accomplissement. Et la Belgique marchera contre tout ce qui menace ces valeurs. La multi- culturalité est sans doute notre matière première la plus précieuse.


Le dessin est paru dans le quotidien holandais Parool, repris par Courrier international

©Patrick Willemarck, le 3/10 2007

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