05 juillet 2006

C'est à nous de jouer


Le Psychologue positif au nom impossible à prononcer, Mihaly Csikszentmihalyi, commence son dernier livre, La créativité, en nous rappelant que notre bagage génétique est à 98% équivalent à celui du singe. Il n’y aurait pour nous distinguer que 2% d'ouverture à la pensée, la créativité et les idées.
Georges Bernard Shaw expliquait tout le potentiel de ces 2% en évoquant des pommes et des idées. "Si nous avons chacun une pomme et que nous les échangeons nous n'aurons toujours qu'une pomme chacun. Si nous avons chacun une idée et que nous les échangeons, nous aurons au-moins deux idées chacun."
Et c'est ainsi que le commerce a eu toutes ses chances de devenir agréable. Ceux qui avaient deux idées parce qu'ils venaient d'échanger la leur, se mettaient à les échanger avec les autres. Les gens avec qui il était agréable d'échanger et de converser étaient d'ailleurs qualifiés, il y a quelques siècles, comme étant d'un "commerce agréable". Ces agréables commerçants ont engendrés une société marchande qu’il est de bon ton de décrier aujourd’hui.
Les idées ont, en effet, formé des savoirs et ces savoirs sont devenus sources de pouvoir. Et quand on détient du pouvoir, l'idée de s'en séparer ne plaît pas. Il ne faut pas chercher ailleurs la raison du conservatisme de la plupart des dirigeants, des partis, des institutions. Les idées peuvent les menacer. Ils préfèrent les singes.
Desmond Morris, zoologue et auteur du "singe nu", connaît bien l'animal. Pour lui, les 2% de différences ont permis à l'homme de grandir en restant jouette. Bien sûr, en grandissant, il convient de faire sérieux et d’éviter l’évocation de tout accent ludique. Les êtres actifs dans l’industrie du jeu, du casino aux consoles, n’échappent pas à la règle.
L’âge, le statut et les conventions font en sorte que l'art, la recherche, la philosophie, le sport, la musique, la poésie, le voyage ou le divertissement se soient substitués au mot « jeu ». Dans l’antiquité, les grecs employaient le mot « scholé » pour évoquer les loisirs. Ce mot est la racine étymologique des mots « école » et « school ». Oui, oui, cela marche des deux côtés de la frontière linguistique. Le fondement de l’enseignement est ludique, du nord au sud et d’est en ouest.
Peu importe le nom : jeu, art, philosophie, sport, pub ou marketing, les activités que recouvrent ces mots nécessitent la prise de risque, l'aventure, l'audace et l'innovation. Autant d'attitudes qui font de nous des êtres humains et qui nous distinguent du monde animal.
L'animal comme le singe, par exemple, cesse de jouer quand il grandit. L'homme, lui, reste longtemps joueur. Il ne cesse pas forcément avec l’âge, Richard Branson et Panamarenko pourraient en témoigner. Gaudi et tant d’autres en ont témoigné. L’homme cesse de jouer quand il escalade l’échelle sociale et l’organigramme de l’organisation où il travaille. Une escalade qui prône le mimétisme : j’ai plus de chance de devenir chef si je fais comme le chef, je vais m’habiller comme lui, manger comme lui, sortir comme lui.
Arrivé en haut, on n’oublie pas la tentation du jeu. On se met à offrir du pain et des jeux pour contenter et maîtriser la foule. Toutes les dictatures le font. Tout pouvoir institué se laisse attirer par la proposition. Ils organisent les jeux dont nous devenons spectateurs passifs. Et l'exemple fait des petits, nous allumons la télé pour que les petits nous laissent en paix, nous les soumettons.
Et si on se remettait à jouer ? L'idée est séduisante mais que fait-on quand la cour de récré se nomme Charleroi, par exemple, et qu'une bande de gais lurons s'y mettent à jouer au grand chef ? On fait le singe. On fait comme tout le monde. On se soumet aux tricheurs. Réinventer la politique pour qu'elle regagne la confiance du public, c'est du jeu. Le pouvoir politique, ce n'est plus du jeu, c'est l'enjeu du pouvoir.
On ne joue plus la haut, sauf avec les pieds de ceux qui sont en bas. Plus pour longtemps. A nous de jouer.
©Patrick Willemarck

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