01 mai 2006

La marque en désuétude.

C'est important une marque.
Aux USA le nombre de marques en épicerie a triplé en 15 ans. En 2005, le bureau de dépôt des marques américains a enregistré 140 000 marques. 100 000 de plus qu'il y a 20 ans. Quant à la pub, l'américain moyen en voit 60% de plus qu'il y a dix ans. Tout va bien. Tout sauf ce consommateur de moins en moins fidèle. Un bureau d'étude qui suit l'industrie de la distribution aux USA, NPD, vient de découvrir que la moitié de ceux qui se déclaraient très fidèles à une marque ne l'était plus l'année d'après. Delhaize qui répertorie de moins en moins de marques ne voit pas ses clients s'encourir. Une autre étude remarquable prouve qu'il n'y aurait que 4% des consommateurs qui resteraient fidèle à leur marque si un de ses concurrents offrait mieux au même prix.

L'explosion du nombre de marques, la croissance des canaux de communication et des investissements qu'ils attirent ne doit pas nous induire en erreur. Elle ne témoigne pas de la viatlité de la marque. Elle importe de moins en moins. Le client ne cherche même plus la bonne affaire, il veut la meilleure. Une quête qui ouvre la porte aux nouvelles marques...mais pour combien de temps ? C'est qu'il devient difficile ce fameux client. La qualité des produits et des services qu'il achète ne cesse de progresser. Sa satisfaction, par contre, ne suit pas la même courbe, elle chute parfois.
Ignorer les goûts du public coûte de plus en plus cher. Quelle que soit la qualité de votre marque, cet irrespect se paie comptant. Souvenez-vous de Nokia. En 2002, la marque se classait en 6ème position sur la liste des plus belles marques mondiales. Interbrands l'estimait à 30 milliards de USD tant le lien émotionnel à la marque était fort. Nokia ne suivra pas la mode du design des GSM à clapets. Le lien émotionnel se dénouera. Nokia perdra 6 milliards USD en valorisation boursière. Dur.

Sony reste une belle marque, même s'ils n'ont pas inventé l'iPod. Selon Landor, 99,5% des gens affirment être prêt à payer plus pour avoir un Sony. C'est une marque premium. Le public consent à payer une prime pour se l'offrir. Hélas, la prime est de plus en plus petite. Il y a cinq ans, ses lecteurs de DVD se vendaient 44% plus chers que les concurrents. Aujourd'hui la prime se limite à 16% et tous les prix ont baissé. Regardez ce qui se passe dans la mode. De 2001 à 2003 les prix ont baissé de 9%. 50% du commerce textile se fait avec des marques privées. Les Zara et H&M de ce monde qui développent le Fast Fashion, ne font qu'accélérer le mouvement. Résultat: une myriade de nouvelles petites marques avec leur canal de distribution propre et les grands comme Prada, Gucci et Vuitton qui forment de plus en plus l'exception.

Les gens de marketing préfèrent ignorer cela. Ne pas en parler. On les comprend. Les chiffres et les tendances ont de quoi inquiéter la profession et ceux qui en vivent. Le lien émotionnel d'une marque n'a pas disparu pour autant. Il existe toujours mail il devient de plus en plus ténu. Si les métiers du marketing ne sont pas appellés à disparaître, il est temps de réaliser qu'ils sont de moins en moins adaptés. Tout le monde parle de l'iPod. Un succès fabuleux. Retournons nos lunettes un instant. Qui a été le plus utile à qui ? La marque Apple a-t-elle suscité l'intérêt pour l'iPod ou est-ce l'iPod qui a relancé l'intérêt pour Apple. Les chiffres tendent à accorder la préférence à l'Ipod. Cela dit, les copycats ne manquent pas et ce n'est qu'à force d'innovation permanente que l'iPod a réussi à se maintenir au-dessus du panier.

La vérité, c'est que nous sommes victimes d'une sur-évaluation du rôle de la marque et d'une sous-évaluation de la capacité du client à reconnaître et apprécier la qualité.
Ce n'est plus un nom qui détermine le succès d'un produit et d'une entreprise. Ni la campagne qui le fait entrer dans le cerveau des gens. C'est la capacité d'une entreprise à rendre son produit utile et à le maintenir utile dans le quoitidien des gens. Et autant pour sa communication. Depuis l'achat jusqu'à la mise à la poubelle, l'utilité primera. Parce que là aussi, il faudra performer. Les plus recyclables et plus faciles à remplacer l'emporteront. Adieu le futile, vive l'utile.

Le culte de la marque appartient à un passé aristocratique. On brûlait les animaux au fer rouge du sceau de l'éleveur pour signifier aux chalands des marchés aux bestiaux le label de qualité et d'origine de l'animal. Cette marque de confiance est à l'origine du mot "branding". Aujourd'hui, tous les produits se valent. L'enjeu n'est plus tant le signe de qualité que la faculté de se faire remarquer, pour le fabricant comme pour le consommateur. Devenir remarquable, au propre et au figuré. Le bus africain que je vous montre témoigne de la portée universelle de cette ambition pour l'individu. Mais pour l'entreprise ? L'avenir est révolutionnaire et appartient à la méritocratie. Ne réussiront plus que ceux qui méritent l'usage et l'attention du public. Et les grands gourous du DM et du CRM pourront gentiment penser à se recycler. Leurs programmes de fidélité ne sont que des emplâtres sur des jambes de bois. Leur succès annonçait l'échec des marques en tant qu'agent de fidélisation. S'il faut un programme pour fidéliser à une marque, c'est que le client n'est pas fidèle à cette marque. Point, à la ligne.

Bienvenue dans l'économie du "et que puis-je faire pour vous?" et dans celle des idées qui pourront y répondre.


© Patrick Willemarck


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