11 avril 2008

Victimes de la prolifération.


La prolifération atomique menace nos marchés. Tout se morcelle, tout s’atomise.
Les mass-media ont créé le “mainstreamer”, le belge moyen. Il représentait plus de 56% de la population en 1992, il n’en représente plus que 39%.

Sous l’effet cumulé d’un accroissement de la richesse et de la multiplication de l’offre, le nombre de mainstreamer diminue et cela affecte les comportements des masses. Jugez-vous même. Le belge fait ses courses dans cinq chaînes de distribution et celui qui va chez Rob se retrouve aussi chez Aldi , celui qui achète Channel porte aussi du H&M mais son voisin pourrait préféré Zara et Gucci. Bref le comportement d’achat s’atomise en milliers de comportements particuliers.

Le Chiffre d’affaires des annonceurs reflète exactement le même phénomène : on gagne de l’argent avec du premium ou du discount mais plus avec le milieu de gamme. Dans le secteur automobile, de 98 à 2003, les ventes de Porsche sont de 17,3% et celles de Hyundai de 43,8% supérieures à la moyenne du marché. Dans le milieu tant accablé du textile et, plus particulièrement du prêt-à-porter, les ventes de Gucci sont de 20,2%, celles de H&M de 15,5% supérieures à la moyenne qui se situe à 8,3 %. En hardware informatique, Acer fait 48,1% de mieux que le marché. Enfin, en moyenne, les produits à haute valeur ajoutée (le luxe) ont progressé de 8,3%, les produits “no-frills”(discount) ont progressé de 4,2% et le milieu de gamme a régressé de 5,7%. Bref, le coeur du business de masse s’érode et cette érosion s’accompagne de la prolifération dont je vous parlais. Une prolifération d’innovation, d’échecs, de segments utiles, de canaux de distribution et de messages. Toutes affectent notre métier.

D’abord la prolifération des innovations : en vingt ans elles ont connu une progression de 1500%. De 1972 à 2002, je sais cela semble loin, les innovations dans le secteur de l’hygiène beauté/santé, ont progressé de 6000%. , en biscuterie et en snacks, on tourne autour de 1100%. C’est d’autant plus que rien ne dit que tout cela ait marché. Cette prolifération s’accompagne d’une prolifération d’échecs.

Jim Collins, dans son livre, From good to great, a analysé 1435 entreprises pendant dix ans. Il n’y aurait que 9% d’entre elles qui ont performé mieux que la moyenne de leur industrie. 9%, cela fait presque 91% de déchets. Ce n’est pas bon.
Chris Zook, autre auteur de livre de management à succès, dans son livre «Profit from the core, a suivi 1860 entreprises pendant 10 ans également et seules 13% d’entre elles ont généré une croissance profitable pendant 10 ans. L’avenir sera-t-il plus rose ? La prolifération des segments utiles me laisse un doute. Dans les soft drinks, on dénombre une centaine de segments utiles, donc profitables, aujourd’hui. On en dénombre 1000 dans l’industrie automobile. Il y a une course effrénée à l’innovation et au morcellement des offres mais leur succès n’est pas toujours évident

Mon doute se renforce en observant la prolifération des canaux de distribution. Prenons le secteur bancaire, par exemple. La multiplication des canaux y est très marquée : téléphone banking, le PC banking, distributeurs de monnaie automatiques, l’agence, le conseiller et le private banker sont autant de voies d’accès à la banque. Hélas, plus ces canaux augmentent plus le nombre de transactions augmente et plus le coût de la prestation de service augmente. En plus, comme le client est roi, chaque nouveau canal lui donne presqu’une nouvelle raison de se plaindre. La multiplication des canaux augmente les coûts et les plaintes et pourtant, elle se poursuit. Paradoxal, non ?

Dans le dernier numéro du Quarterly de Mc Kinsey, les managers du secteur financiers avouent que, pour 54% d’entre eux, l’innovation est beaucoup plus exigeante dans leur secteur que dans d’autre. 53% d’entre eux pensent que le challenge de l’innovation dans leur secteur est dû à la pression qu’ils ont sur les résultats. Le succès financier à court terme est attendu de toute initiative prise dans le secteur et l’innovation résulte souvent, hélas, en pertes à court terme. Un tiers avouent que leur industrie manque cruellement de ‘consumer insights’. Et s’ils n’étaient pas les seuls contrairement à ce qu’ils croient.

Enfin, il y a cette dernière prolifération, conséquence de toutes les autres, celle des messages commerciaux. Nous la connaissons bien elle qui, au lieu de développer notre marché, semble l’étouffer.
On parle d’un accroissement de 800% du nombre de message commerciaux auxquels nous exposons le public ces 20 dernières années. On arriverait à 250 messages par jour en moyenne, de quoi saturer le public.

Selon Initiative Europe, le public évite la publicité à raison de
43% en TV,
68% en PQ,
60,3% en magazines,
52% en direct mail
15% en radio (mais le taux d’inattention est de 65%),
8% en cinéma (mais seuls 33% se disent captés, engagés par la pub)

Les répondants estiment être inattentifs à la publicité, en général, la moitié du temps (51%).

Pareils chiffres bouleversent les habitudes des annonceurs et agrémentent le moulin de ceux qui prétendent qu’il faut remplacer la pub par des coups fumants dont les journalistes parleront. Encore faudra-t-il pouvoir assurer et mesurer cela avant de le recommander. Parce que toutes ces proliférations rendent l’annonceur plus frileux, plus prudent et plus mesuré qu’auparavant. Chez Procter&Gamble à qui on attribue l’invention du marketing et du sérieux qui l’accompagne, le Chief Marketing Officer disait, il y a tout juste 4 ans : “In advertising 500 billion $ are moved with less analyses than we do to spend 100 thousand $ elsewhere.”. S’il le dit, c’est pour que cela cesse. En 2008, Luc Suikkens confime la place de P&G comme premier annonceur du pays avec des budgets en régression, et il n’est pas le seul. Bref les victimes de la prolifération sont le belge moyen, le publicitaire moyen et leurs recettes médiocres. Requiescat in pace.

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