23 octobre 2006

Après nous, les mouches.

Blister, le supplément de Media Marketing, dont la vocation est de soutenir la création nous demande de réfléchir à la mort. Il n'y a rien de créatif dans la mort. La création, c'est la naissance. Tout le contraire de la mort. Voilà qui en dit long sur les paradoxes qui animent les comités éditoriaux de Blister. En attendant, je m'y suis collé. J'ai même séché tout un week-end, la mort dans l'âme, après m'être soumis à une interview-divan pour Media Marketing où j'annonce la mort de Kotler et de ses 4 P. Je me suis rabattu sur le dernier morceau de la trilogie romanesque en 3 P de Yann Moix ( Podium, Partouz, Panthéon). Dans Panthéon, Yann Moix écrit que la vie n'est qu'une question de « savoir -mourir » et la mort une question de « savoir-vivre ». Ou de savoir baiser puisqu'on parle de « petite mort », après l'orgasme. Bien baiser, tout le monde est demandeur. Il y a moins de candidats pour se faire baiser. Et pour la mort, la vraie, encore moins. Cela se comprend. Dans ce long voyage qu'est la vie, la mort est la seule destination dont on ne revient pas. Il n'y a que des allers simples. Certains le déplorent parce que si la « petite mort » vient après avoir pris son pied, ils se mettent à imaginer ce que la véritable mort peut représenter. Un super pied qui ne se prendrait qu'une fois. Celui qui tenterait ceux qui ont déjà mis « un pied dans la tombe » ? À voir leur état, on pourrait comprendre. Mais personne ne sait. Dans le doute, la majorité s'abstient et retarde l'échéance. Si personne n'en revient, Dieu sait qu'on en parle. Mais lui, ne dit mot. Je n'ai pas réussi à récolter son témoignage pour donner un peu de corps à ces lignes. Dieu qui existerait essentiellement pour répondre à ceux que la mort angoisse (ou pour qu'ils arrêtent de se poser des questions sur ce qui se passe après la mort) aurait pu livrer un témoignage utile. Il ne répond pas. Il fait le mort. Tant pis. Qui, diable, peut m'aider à comprendre ? La presse quotidienne, peut-être ? Ses « chiens écrasés » (Pauvres chiens, souvent victimes d'un trompe-la-mort qui roulait à tombeau ouvert) et ses pages nécrologiques révèlent, avec beaucoup de régularité, qu'untel ou untel auraient trouvé la mort. La belle affaire. Qu'ils la trouvent, soit. Qu'ils se taisent, ne fait pas avancer le schmilblick. Sauf qu'on ne tait, en général, que ce dont on ne veut pas être privé. Le créatif ou l'inventeur qui trouve « l'idée de la mort qui tue » en parle très peu, par peur du vol et de la copie. Ils pourraient être privés de leur idée. Mais qui pourrait priver quelqu'un de la mort ? Ce serait un passeport pour l'éternité. Une idée séduisante dont certains se sont fait une religion. Je demande à voir, faute d'avoir entendu dieu. Dans la même presse, dans les mêmes rubriques, j'ai trouvé des gens qui donnent la mort. Il y en a même qui se la donnent. Mais ils sont plus isolés. Un condition qui est, sans doute, nécessaire à ce genre de don autocentré. Dans les deux cas, cela m'interpelle parce que. celui qui donne la mort a forcément du la trouver. On ne peut donner que ce qu'on a. Et s'il ne l'a pas trouvée, il ne peut pas l'avoir. Ou alors, il y a vol. Mais la mort ne se vole pas. Les partisans de la peine de mort rapportent que les condamnés à la peine capitale n'ont pas volé la mort qu'ils trouvent sur la chaise électrique. La mort ne se vole pas, même dans les cas extrêmes. Personne ne peut nous en priver, par ailleurs, on l'a vu. La mort ne sera jamais le dessert dont on priverait les enfants de la vie. Faire de la mort le plus grand dessert de la vie nous amènerait inexorablement à vivre pour manger. Bonjour, l'obésité. Que ceux qui veulent dévorer la vie à pleines dents se méfient. En attendant, je suis désolé de devoir vous annoncer que la presse nous ment depuis des années : la mort ne se donne pas. Tous ceux qui l'ont trouvée sont dans l'incapacité de la rendre. Ils la gardent pour eux. Elle ne se vole pas non plus, les témoignages abondent. On ne s'en prive pas, les statistiques le prouvent. Par contre, vous pouvez « être donné pour mort » et sauvé in extremis par le corps médical ou retrouvé par Interpol avec de faux papiers. Tout dépend de celui qui vous donne et, un peu, de la vie que vous menez. Vous pouvez aussi « faire le mort », comme Dieu que j'évoquais, au début, ou comme le président d'un parti qui voit ses acolytes se corrompre dans une grande ville de Wallonie. Bref, il y a de la place pour la fraude autour de la mort. Il y a même des « trompe-la-mort », c'est tout dire. Rien d'étonnant à ce que nos livres d'Histoire regorgent d'hommes qui se sont arrogé le droit de vie ou de mort sur le peuple. Pour mettre de l'ordre. Personne n'y a gagné en humanité. Quelle histoire. La mort ne se donne pas, ne se prend pas, ne se vole pas, ne se règle pas. Elle se trouve. Où ? En nous, depuis l'origine. Ce qui en fait, bel et bien, une question de savoir-vivre, comme le suggère Yann Moix. François Weyergans le confirme dans son dernier roman : « La mort des autres nous conforte dans l'idée que notre vie est précieuse, importante, essentielle, unique. Nos morts valorisent nos vies.» Voilà, mon humble recherche n'a rien livré de plus : la mort est en nous depuis la naissance. Et après ? Après nous, les mouches. © Patrick Willemarck, le 22 octobre 2006 pour Blister.

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